Le début de cette année a été marqué par la mort de Guy
Corneau, grand psychanalyste et auteur, devenu célèbre par son livre Père manquant, fils manqué. Il n’avait
pas 66 ans. Comment est-il possible
qu’un homme qui était une référence en équilibre émotionnel pour des millions
de gens, qui a derrière lui un grand chemin de guérison et qui a su mettre en
lumière beaucoup de ses zones d’ombre, succombe si vite à la maladie ? Il
n’est pas mort du cancer dont il témoigne dans son livre Revivre. Il a survécu et même guéri ce cancer du grade 4, c’est à
dire en phase terminale, qu’on lui avait diagnostiqué en 2007. Il est mort 10 ans plus tard d’une
maladie auto-immune qui avait attaqué son cœur. Son décès est survenu en moins
de deux jours. Seulement deux semaines avant lui, sa sœur, l’artiste peintre
Corno est décédée d’un cancer de la gorge. Le drame avait frappé toute une
famille.
Cet homme beau, talentueux, innovateur et séducteur qui a
marqué toute une génération est allé au fond de lui-même pour éclaircir son
histoire avec son père. Il s’est enfin réalisé en tant qu’artiste avec sa pièce
L’amour dans tous ses états qui a été
inaugurée en 2016 à Paris au théâtre Les
feux de la rampe. Guy Corneau a enfin donné forme à son rêve et il est
monté sur scène. Il s’est ainsi libéré de certaines limites de son éducation,
surtout de celles que lui avait imposées son père en voulant faire de lui un
professeur d’université. Il avait senti que son âme aspirait à s’exprimer
autrement. Avec lucidité et persévérance, il a levé l’ancre qui l’attachait aux
attentes familiales. Le mal a été dit. Les blocages étant levés, le corps avait
retrouvé la santé. Comment était-il alors possible que la mort emporte de
manière aussi inattendue la vie de cet
homme? Certes, nous allons tous mourir
un jour. Mais si l’équilibre, l’harmonie et la mise en lumière de ses zones
d’ombre sont synonymes de bonne santé, quelles pourraient être les blessures qui
n’ont pas été ex-primées,
c’est-à-dire transportées vers l’extérieur du corps ?
La maladie se crée dans
l’espace entre nous et nous-mêmes, disait Guy Corneau. Nous pourrions
peut-être préciser : La maladie se
crée dans l’espace entre l’image que nous voulons donner de nous et qui nous
sommes vraiment. Il paraît que l’homme qui a su se séparer des attentes du
père ne s’est pas libéré des blessures que lui avait imposées sa mère. Une
femme frustrée et violente qui battait ses enfants chaque jour quand ils
rentraient de l’école. Jamais il ne savaient à quoi s’attendre : des crêpes
ou des coups. Ce n’étaient pas que des claques. Plusieurs fois par semaine, l’enfant
sentait sa mère s’acharner sur lui. L’adulte est resté le gentil Guy qui ne dit
rien. Le nice guy n’a jamais osé devenir
le mauvais Guy, le bad guy. Il est
resté celui qui voulait plaire à sa maman. Le petit enfant qui sourit à sa mère
à travers ses larmes est devenu le grand séducteur qu’il était et qui n’a
jamais pu vivre une relation stable et durable avec une femme. Comment
aurait-il pu faire confiance ?
Nos parents sont les premiers êtres à qui nous voulons plaire
dans le monde. Notre survie en dépend. Nous nous entraînons donc à nous
comporter en fonction des attentes de nos parents, notre famille, notre clan, et
très vite, nous ne nous demandons plus si notre comportement correspond à nos
besoins et à nos désirs. L’objectif est de faire de nous des enfants sages, de
bons élèves qui s’adaptent bien aux exigences du système dans lequel nous
évoluons. C’est comme si nous naissions tout en brouillon, des gribouillis qu’il faut toujours corriger pour
faire un meilleur dessin. Rares sont
ceux qui ont entendu pendant leur enfance qu’ils sont très bien comme ils sont.
Qui a eu la joie d’entendre qu’il était un petit être parfait et qu’il n’avait rien
à faire pour s’améliorer ? Si nous avons à grandir, à apprendre et à entraîner
certaines de nos capacités, cela ne veut pas dire que nous sommes nés
imparfaits. Personne ne se pose la question de savoir si une fleur, un nuage ou
un paysage est imparfait. Mais nous, humains, nous avons à nous tordre dans
tous les sens pour devenir autrement : plus performants, plus séduisants,
plus puissants. Dans notre civilisation, notre éducation ne nous montre pas
comment nous pouvons dé-couvrir l’être qui nous habite : enlever les
couches, les masques, les armures, les attentes qui pèsent sur nous pour voir
plus clair. Au fond, nous n’avons peut-être rien à apprendre. Nous avons juste
à faire des expériences.
En accord avec notre éducation, l’image que nous avons de nous
est plus ou moins trouble. Sans en avoir conscience, nous construisons notre
personnalité en fonction de toutes sortes de croyances : si je ne suis pas gentil, si je ne me
dépêche pas plus, si je ne mets pas les besoins des autres avant les miens, si je
fais confiance à mon ressenti, si je ne me
bats pas, …. je ne serai pas aimé(e). Alors nous passons notre vie à vouloir
ressembler à l’image que nous voulons donner de nous, ou plutôt à l’image que
nous croyons que nous devons donner aux autres pour qu’ils nous acceptent. Nous
nous comportons de façon à ce que l’on nous prenne pour des gens
acceptables : tolérants, ouverts, généreux, souples, forts, serviables,
justes, fiables, … Personne n’a envie qu’on pense du mal de lui et nous voulons
tous servir à quelque chose. Même le tortionnaire se met encore au service
d’une bonne cause. La planète est peuplée de beaucoup de gens qui font de leur
mieux.
D’où viennent alors la souffrance et le mal ? Si nous
voulons tous apparaitre sous la meilleure lumière possible, comment se fait-il
qu’il y a autant de problèmes dans ce monde et autant de disputes entre les personnes,
surtout entre celles qui s’aiment et qui ne souhaitent qu’on les
respecte ? Au fond, nous voulons tous la paix, l’amour et l’harmonie. Ne
suffit-il pas de les demander ? Il est aujourd’hui à la mode de confier
ses vœux à l’univers comme si l’on passait commande au supermarché : envoyez-moi de la confiance en moi, de
l’abondance et l’amour de ma vie. Suffirait-il d’y croire pour que le désir
se convertisse en réalité ? Nous avons tous constaté que cela ne marche
pas. Il n’y a pas de formule magique et personne là-haut ne nous distribue de
bons points. On nous envoie autre chose : les disputes entre proches, les
voisins énervants, les mauvais conducteurs, les accidents de la vie. Ils nous
tapent sur les nerfs, nous mettent en colère, nous rendent tristes, nous
dégoûtent, nous mettent hors de nous. Ils ne veulent pas comprendre que nous ne
sommes pas ceux qu’ils pensent. Nous faisons tout pour qu’ils nous voient comme
nous pensons qu’ils devraient nous voir, mais eux ne captent pas. L’image que
nous voulons donner de nous ne colle pas. Il n’y a rien à faire.
Si. Peut-être. Nous pourrions essayer de décoller l’image que
nous voulons donner de nous. De toutes façons, nous ne pouvons jamais contrôler
le bout de notre relation que l’autre tient entre ses mains. Nous pourrions alors
essayer de faire le deuil de cette belle idée de paraître toujours généreux,
aimant, doux, fort, tolérant, ouvert… Si la lame de l’autre nous blesse et nous
heurte, il touche quelque chose en nous que nous ne voulons ou ne pouvons pas voir.
Mais cette chose est en nous, sinon le geste ou le mot de l’autre ne nous
toucherait pas. Ce n’est pas lui qui met nos émotions en nous. Elles sont déjà
là. S’il touche une zone sensible, il est allé au cœur de la chose. Egoïste, têtu, insensible, lâche, distrait,
petit, radin, jaloux, impatient, fait-rien - MOI ! ? Plus la
résistance est forte, plus l’autre a touché ce qu’au fond de nous nous
redoutons le plus, ce que nous voulons cacher à tout prix. Nous croyons qu’on
ne pourrait plus nous aimer si jamais cela se savait. C’est là que nous faisons
fausse route.
Nous avons tous en nous tout et son contraire. Dans le monde
dans lequel nous vivons, le grand n’existe pas sans le petit, le haut sans le
bas, la clarté sans l’obscurité. Ce sont les deux faces de la même pièce. Si je
n’accepte pas que je peux aussi être ce que je ne veux pas, je ne pourrai
jamais être ce que je veux. Quand l’autre met le doigt sur quelque chose qui me
heurte, c’est alors une invitation à ouvrir les yeux. Dans une dispute, nous le
sentons immédiatement : si je lâche mes attentes et mes réticences, si je
dis oui, je peux être cela aussi,
tout se calme. Petite, faible, basse - je ne suis pas une mauvaise personne. Je
suis un être humain qui a hérité de la totalité de ce qui existe. J’ai juste à
l’accepter et à arrêter de balancer sur les autres ce que je ne veux pas en
moi. L’image deviendra alors plus claire quand je laisse les choses être, comme
dans un verre d’eau au fond duquel la boue se pose.
Ce n’est pas une mince affaire : accueillir, accepter,
ne pas résister à ce qui se présente, surtout parce que notre société a pris le
chemin inverse. Nous avons avant tout appris à contrôler, supprimer, manipuler
et dominer. Observer, contempler, prendre note, nous laisser traverser par
l’expérience et prendre conscience de son goût – nous ne savons pas bien faire.
C’est peut-être le plus grand défi de notre époque tumultueuse, une des plus
grandes transitions que l’humanité n’ait jamais vécue : arrêter de mettre
notre empreinte sur tout et commencer à nous laisser toucher. Le goût peut être
amer, acide, piquant, brûlant. Il peut mettre en désordre nos entrailles. Mais
il est juste à prendre. Cela passera. Vivre, cela signifie prendre corps,
c’est-à-dire s’incarner, pour traverser la matière. Parfois elle est dense,
aride, obscure, mais il y aura forcément quelque chose d’autre après. C’est
comme si nous passions en permanence par des tunnels et de nouveaux espaces. Notre
condition humaine nous appelle à faire ces expériences. Nous avons juste le
choix de dire non ou oui.
Pour mieux accepter, il n’y a pas de recettes mais des outils
qui aident à traverser, encore et encore. Ils sont présentés ici, un jeudi par
mois autour de la médit’soupe et lors des ateliers et conférences tout au long
de l’année. Méthode ESPERE, Tipi, généalogie intuitive, empreinte de naissance,
numérologie, kinésiologie, tables familiales, cercles de pardon, bâton de
parole, Ho’oponopono, braingym, EFT, lettres hébraïques, … autant de chemins
pour s’approcher un peu plus de l’être que nous sommes, cette essence derrière les
apparences, les masques de la personae
qui se trouve déguisée sur scène, l’image que nous voulons donner de nous et
qui n’est que le reflet de nos illusions. Chaque fois, nous portons un peu plus
de lumière dans cet espace entre nous et nous-même, et chaque fois, nous
contribuons un peu plus à cette paix intérieure tant nécessaire non seulement
pour notre santé individuelle, mais aussi pour la santé de notre monde. Chaque fois, le voile se perce un peu plus.
C’est cela le sens du mot Apocalypse.
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