Je me permets de vous faire parvenir quelques réflexions à propos
de la présentation du nouveau livre de Ruwen Ogien Mes mille et une nuits. Je suis une
ancienne malade du cancer et auteur des livres La maladie guérit – de la pensée créatrice à la communication avec soi
(Quintessence 2014) et Traverser le
miroir – de la peur du cancer à la confiance en la vie (L’Harmattan 2016).
En lisant mes titres, vous vous doutez bien que je me trouve à l’opposé des
idées énoncées par votre invité. Je fais partie de ces personnes qui ont
cheminé avec leur maladie, qui se sont laissé toucher par elle et qui l’ont
pris comme une occasion de grandir. Comme votre invité, je ne perçois pas la
maladie comme une punition, comme lui je m’abstiens de glorifier la souffrance
et comme lui je pense que le fait de ne pas trop se prendre au sérieux nous
soulage de bien de maux. Mais contrairement à monsieur Ogien je pense que nous
pouvons nous servir de ce qui nous arrive pour envoyer un peu de lumière dedans.
Je ne comprends pas qu’un philosophe puisse se priver de toute
métaphysique et abandonner la quête de sens pourtant propre à l’être humain
depuis qu’il s’est mis debout. Pour évoluer, nous avons toujours eu besoin de
bouleversements, de frottements, de conflits et aussi de maladies. Oublier cela
quand on est dans la détresse se comprend, mais diffuser ces opinions face à
une société qui souffre profondément
d’une perte de sens à tous les niveaux me semble contestable. Selon mon
expérience, la maladie n’est ni bien ni mauvaise ; elle existe, c’est
tout. A nous de lui donner un sens ou pas. J’ai choisi de prendre le symptôme comme
un message, un mal-a-dit exprimé par
mon corps pour m’informer que quelque chose ne tournait pas rond dans ma vie. Je
me suis alors mise en quête. Cela m’a permis de me libérer de mon rôle de
victime et de prendre la responsabilité pour ma santé et ma vie en main.
Responsabilité ne signifie pas culpabilité. Cette dernière se réfère à quelque
chose du passé que je ne peux plus changer tandis que la responsabilité se vit
en rapport avec mon présent. Si je n’ai pas le pouvoir de changer les données,
il me reste à choisir ma position et à vivre ce qui m’arrive comme une tragédie
ou une comédie.
Je vois dans les propos de monsieur Ogien se refléter l’énorme
souffrance de notre société actuelle: la primauté du matériel sur le spirituel,
la perception de l’humain comme une machine, une simple ressource qui devient
superflue au moment où elle ne fonctionne plus correctement, l’être accaparé
par la peur de l’égo de perdre son pouvoir de séduction, … Pleins de méfiance, nous vivons coupés les
uns des autres, séparés par toutes sortes d’écrans, chacun installé plus ou
moins confortablement dans sa bulle. Nous avons perdu la capacité de
communiquer directement et vivons chacun selon ses propres règles. C’est
exactement ce qui se passe dans un corps qui développe une tu-meur(s) : des cellules qui ont perdu leur capacité de communiquer
avec leur environnement avant d’exploser et de se répandre sans orientation
dans tous les sens. La maladie, au lieu d’être une fatalité, ne serait-elle pas
juste le reflet de notre comportement ? A nous d’explorer l’être qui s’est
enfermé dans sa bulle et d’entrer en action autrement si nous voulons changer
les choses.
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