mardi 28 août 2018

Se libérer du jugement

L’autre : c’est toujours lui qui se trompe. Il agit mal. Il blesse. Il ne comprend pas. Ce qu’il a fait, je ne peux pas le lui pardonner. Je montre du doigt sa faute, sa faille, son crime. Du haut du donjon de mes convictions, selon ce qui me dicte mon éducation, mon appartenance culturelle, mon parti politique ou ma religion, je juge mon prochain pour ce qu’il a fait, pire, pour ce qu’il est.

Ainsi, la séparation est faite. D’un côté le Bien, de l’autre le Mal, d’un côté la raison, de l’autre le tort. L’autre et moi, nous sommes opposés. J’utilise sa noirceur comme toile de fond pour paraître plus blanc. Je suis innocente. Plus, je suis victime. L’autre est mon tortionnaire. J’ai donc le droit de me défendre, par tous les moyens. Il a insulté ce en quoi je crois. J’en tire la justification pour le poursuivre et le punir. Je me bats contre lui, en paroles et poings serrés et j’essaye de le mettre sur le bon chemin. Je l’emprisonne, je le torture, je le condamne à mort, je prends tout ce qui est à lui.

Cercle vicieux

Depuis des millénaires, ce modèle diabolique fait des ravages dans nos sociétés. Il justifie toutes les formes d’exploitation et de destruction. Poursuites, croisades, colonisations, esclavage, inquisition, apartheid, camps de concentration : tout le mal que l’Homme a fait à l’Homme se nourrit de l’idée que j’ai raison et que l’autre a tort, que l’autre est opposé à moi, que nous sommes séparés.

Diable : c’est celui qui sépare, qui scinde en deux. Il nous fait oublier notre prochain. Il nous fait oublier que nous sommes pareils, lui et moi. Vas-y, me susurre-t-il à l’oreille, tu ne vois pas que l’autre est dans l’erreur ? Ne t’a-t-il-pas insulté? N’a-t-il pas bafoué tes valeurs, fait du mal à ton clan, ton peuple, ton dieu ? Pour te laver de ce qu’il t’a fait, juge-le, condamne-le, n’aie pas pitié de lui, ne lui pardonne pas l’impardonnable. Je crois alors bien faire. Je suis juste. Et l’autre alors ? Il croit pareil. Et c’est ainsi qu’homicides et guerres se justifient.

Pour sortir de ce cercle vicieux, il est nécessaire de ne pas confondre le relatif et l’absolu. Le monde dans lequel nous vivons est un monde relatif. Le chaud s’oppose au froid, le haut au bas, le noir au blanc. Dans nos corps de chair, nous avons besoin de ces opposés pour nous orienter dans le temps et l’espace. La valeur de chaque chose est relative à notre culture, notre éducation et nos expériences. Elle change continuellement. Ce qui est à la mode aujourd’hui ne le sera plus demain. Ce qui est considéré comme quelque chose de bien dans une culture peut être considéré comme mal dans une autre. Tout dépend des circonstances. Tuer quelqu’un est mal mais tuer Hitler aurait évité la mort de millions de gens.

Ne pas confondre le relatif et l’absolu

Tant que nous sommes conscients de la relativité des choses, il n’y a pas de problème. Nous n’allons pas insister pour convaincre l’autre de notre vision des choses. Tout le monde est différent et a un point de vue différent. C’est ce qui fait notre diversité. Le problème se crée à partir du moment où quelqu’un déclare que son point de vue forcément relatif a une valeur absolue. Là, nous quittons notre condition humaine et commençons à jouer à Dieu. 

Je peux très bien dire à quelqu’un que je ne suis pas de son avis ou pas en accord avec ce qu’il a fait. Nous pouvons mettre en place des tribunaux qui jugent nos actes pour protéger la communauté. Mais de là à juger nous-mêmes une autre personne est une des pires choses que nous puissions faire. Non seulement nous nous prenons pour quelqu’un qui sait, qui connaît exactement toutes les circonstances, ce qui serait alors surhumain. Nous contribuons aussi à rendre ce monde plus hostile encore.

Que les croyants laissent à Dieu le pouvoir de juger et que les autres laissent suivre l’Univers son cours. Ce qui est fait, est fait. Nous n’avons pas à y laisser notre empreinte encore. Ne perdons pas notre temps à essayer de changer l’autre. Nous n’y arriverons pas. Tous ceux qui ont déjà tenté de changer leur partenaire le savent. La seule chose que nous puissions faire est de choisir notre position, notre attitude face à ce qui est là. 

Tenir sa propre vie entre ses mains

Voici alors quelqu’un ou quelque chose qui m’a fait du mal. Si je m’obstine à le repousser ou à le tordre dans tous les sens, je vais perdre beaucoup d’énergie pour rien. Le geste que j’ai à faire est alors celui d’ouvrir les bras et d’accueillir ce qui est pour l’intégrer dans ma vie. Tout ce que j’essaye de pousser dehors me poursuivra. Tout ce que j’accepte se dissout. Quand je vois une injustice, je peux pleurer, je peux me révolter, me mettre en colère, je peux me laisser traverser par tous les sentiments. Mais je n’ai pas à juger ni l’événement ni la personne. Je ne sais rien du pourquoi des choses qui arrivent. Une catastrophe peut s’avérer être une bénédiction. 

Soyons alors prudents la prochaine fois que nous émettons un jugement à propos de quelqu’un. En ce qui me concerne, ce n’est pas juste une belle idée mais un exercice de tous les jours. Il y a de quoi faire car je me suis rendu compte que je juge beaucoup. Ce n’est pas facile. Mais ma vie est devenue beaucoup plus agréable et jouissive depuis que je n’essaye plus de jouer au gendarme. Ce n’est pas à moi de contrôler les autres. J’ai juste à tenir les rênes de ma propre vie dans les mains.


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