mardi 17 février 2015

Médecins et patients : vers un partenariat plus équitable

Je viens de passer un examen de contrôle après un cancer du sein. Il fait partie de mon protocole. Le personnel soignant ne gaspille pas son énergie pour expliquer, orienter ou rassurer et les cinq minutes que je passe avec mon radiologue entre deux portes semblent déjà être un privilège. Je reste sur ma faim, pas vraiment rassurée et avec plus de questions et de doutes qu’avant…

C’est une situation qui doit se répéter des dizaines de milliers de fois par jour dans les hôpitaux français qui font pourtant partie des meilleurs du monde. Tout le monde fait de son mieux dans des contextes pas faciles, mais il semble que le fossé qui s’est creusé entre médecins et patients n’est pas prêt d'être comblé. D’un côté le savoir médical et les statistiques, de l’autre côté l’ignorance et l’impuissance du patient. Et pourtant : la médecine ne peut rien, absolument rien, si le patient n’est pas prêt à guérir. Tous ces scanners, échographies, mammographies, toutes ces interventions chirurgicales, tous ces médicaments ne servent à absolument rien si le patient n’est pas consentant et s’il n’a pas envie de s’en sortir.

Pourquoi miser si peu sur cette carte ? Pourquoi notre système se santé n’intègre-t-il pas plus le patient dans le processus de sa propre guérison ? On nous fait subir des protocoles généralisés après nous avoir répété que chaque personne est différente et qu’on ne sait pas comment chacun réagit aux traitements.  D’où vient cette certitude qui fait dire les médecins que la personne qui s’oppose aux traitements généralisés est irresponsable (voire folle) ? En ce qui concerne le cancer, la médecine allopathique ne sait toujours pas d’où il vient vraiment et comment le guérir ! Mauvaise hygiène de vie, antécédents familiaux, exposition à des facteurs de risque… mais personne ne peut être sûre de ne pas en être touché un jour malgré un mode de vie exemplaire. D’autres ne l’auront jamais malgré deux paquets de cigarettes par jour. On ne sait pas. Nous ne savons pas. Ne serait-il pas temps que nous nous réunissions, médecins et patients, chacun avec ses connaissances et ses compétences, pour trouver des solutions plus individualisées et surtout plus durables ?


Je ne pense pas que ce changement vienne d’en haut, c’est-à-dire du côté de la médecine. Comme tous les vrais changements, il viendra du côté des patients, c’est-à-dire de vous et de moi ! Cela signifie que nous, patients et patients potentiels, avons à nous rappeler de nos propres capacités et du potentiel d’auto-guérison de notre corps et à cesser de croire que les maladies nous « tombent dessus ». Une maladie est l’expression du corps qui nous communique à sa façon que quelque chose ne va pas dans notre vie et qu’il serait temps de s’en occuper. Tout ce qui existe veut être reconnu – alors regardons, écoutant, soyons attentifs au langage de notre corps. Nous comprendrons alors que la maladie n’est pas notre ennemie et que nous ne sommes pas ses victimes.  Nous sommes juste responsables de notre santé – et non pas coupables de notre maladie !

Il y en a qui se scandalisent : c’est déjà assez dur d’être malade - est-ce qu’on veut en plus responsabiliser le pauvre patient? Vraiment ? Le plus dur n’est-il pas justement ce sentiment d’impuissance face à la maladie ? Bien sûr, cela arrangerait ceux qui profitent des maladies des autres si les patients continuent sagement à consommer ce qu’on leur propose sans trop poser de questions. Peut-être y a-t-il des personnes qui  souhaitent qu'on les prenne en charge et qu’on les porte. Mais tous les autres, toutes ces femmes et tous ces hommes qui ont vraiment envie de s’en sortir et de vivre leur vie de manière libre et autonome et qui se trouvent perdus face à un une machinerie lourde et déshumanisée ?

Apprenons à prendre conscience du potentiel qui réside en chacun de nous pour nous aider à guérir. Apprenons à prendre nos responsabilités. Pas comme nous l’entendons en politique ; la responsabilité n’est pas un jeu mais un vrai engagement. J’accepte d’être responsable de ma vie. C’est moi qui décide, moi qui fais usage de mon libre arbitre et qui choisis ce que j’ai envie de vivre ! J’accueille le symptôme, le messager que mon corps m’a envoyé et j’écoute ce qu’il a à me dire. Qu’est-ce que j’entends ? Arrête-toi ? Prends soin de toi ? Regarde tes vrais besoins et tes vrais désirs dans ta vie ? Occupe-toi de ce qui te fait plaisir ? Chacun entendra ce dont il a besoin. Et puis ? Le mal-a-dit, a été entendu et s’en va.

Personne d’autre ne peut faire ce travail à notre place. Cela ne veut pas dire qu’il faut se débrouiller tout seul – au contraire ! Nous avons profondément besoin des autres car on ne guérit pas dans la solitude. Nous avons besoin de notre famille, de nos amis, voisins, collègues, et de tous ceux qui nous soignent. Nous avons besoin de la médecine et de médecins qui soutiennent notre processus de guérison – pas de ceux qui le dictent. J’en rencontre qui s’ouvrent, de plus en plus, à accepter non seulement les thérapies complémentaires, mais aussi l’individualité du patient. Ils comprennent que, eux aussi, ont besoin de nous pour avancer. Adressons-nous à ceux qui se montrent disponibles et ouverts et laissons les autres de côté. Pas facile de les trouver ? Alors, commençons à éduquer les autres en nous appuyant sur le fait que nous sommes beaucoup déjà à le demander. S’ouvrir, ça s’apprend.



2 commentaires:

  1. Bonjour Kerstin

    Je suis Vincent le cousin de Claude, et comme tu le sais je suis médecin généraliste.
    Difficile d'être objectif vu mon métier, mais je me soigne!!
    La profession médicale (mais peut-on, généraliser?) a bien conscience des difficultés relationnelles entre soignant et soigné, et elle bouge énormément dans le sens d'une amélioration.
    Mes 24 ans d'installation me le font vivre au quotidien. Je fais partie des médecins qui essayent d'aller dans le sens d'une amélioration des pratiques professionnelles, que ce soit dans l'adaptation des connaissances ou dans "la" relation. Nous avons, ces dernières années vu fleurir les formations sur le sujet de l'annonce d'une mauvaise nouvelle, et cela fait partie du cursus universitaire obligatoire. Nous privilégions les soins à domicile avec une prise en charge plus personnalisée du patient, et surtout nous expliquons et impliquons beaucoup plus le patient dans SA prise en charge. Bien sûr, comme dans toutes les professions, il y a des professionnels qui ne jouent pas le jeu, qu'on ne verra jamais en formation, et qui font comme ils le sentent, et advienne que pourra.
    Je comprends donc la sensation du patient à qui le radiologue (dont ce n'est ABSOLUMENT PAS CE QU'ON LUI DEMANDE) donne une information entre 2 portes.Je ne pense pas que les patients aient idée des efforts faits de la part du corps médical pour que le fossé se comble entre eux. Les protocoles ne peuvent être que généralisés mais ils sont adaptés aux patients. Ces protocoles sont généralisés dans le sens où les médecins ont besoin que ceux-ci soient validés et donc reconnus par des conférences de consensus. On ne peut pas proposer au feeling des traitements dans quelque domaine que ce soit. En revanche bien sûr il faut aller au-delà de ces protocoles validés, et c'est là que nous devons aller vers le patient. Quoi de plus frustrant pour nous que les patients ayant une pathologie lourde, et n'allant pas vers nous. Il y a toujours une raison mais quand celle-ci est évoquée, le patient parfois reste quand même à l'écart volontairement, et semble en effet à la merci des techniciens que peuvent être certains médecins.
    Nous avons tous eu des patients qui refusaient de se traiter devant une pathologie inquiétante. Je pense qu'il y a toujours une explication mais faut-il encore aller la chercher et expliquer au patient que nous ne sommes pas là pour leur imposer une souffrance supplémentaire mais pour leur donner une chance en connaissance de cause. Nous sommes à ce moment-là des informateurs qui permettront au patient d'y voir plus clair. Libre à lui ensuite d'accepter la collaboration. Si l'on traite de "folle" la personne qui ne va pas dans notre sens c'est que le dialogue ne s'est pas instauré convenablement.
    Je n'ai pas encore lu ton livre, mais je le ferai sois en certaine.

    Je t'embrasse
    Vincent

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    1. Bonjour Vincent,

      Je te remercie beaucoup pour ce commentaire! C'est exactement ce genre de dialogue qui je recherche. J'espère que je n'était pas trop dure avec "les médecins" et non plus avec mon radiologue qui, à part d'être quelqu'un de sympathique me semble être quelqu'un de très compétent qui s'engage beaucoup dans son travail. J'apprécie beaucoup les efforts qui sont faits du côté des médecins, d'autant plus que dans mon cas la prise en charge du côté médical ET humain était exemplaire.

      Ce qui me tient à coeur est de nous secouer un peu, patients et médecins, afin que nous arrivions à développer ce genre de partenariat donc parle par exemple Guy Corneau: l'un à l'écoute de l'autre. Malheureusement, j'observe trop souvent autour de moi des patients qui se prennent en "victimes" et des médecins en "sauveurs". Je pense que nous sommes ni l'un ni l'autre, nous sommes juste responsables pour nous-mêmes, tout en ayant besoin de l'autre. J'ai très envie que nous avancions ensemble dans cette conscience. C'est une des raisons pour lesquelles j'écris.

      Je t'embrasse et me réjouis déjà de te voir un jour,

      Kerstin

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