vendredi 17 février 2017

lettre ouverte à propos du nouveau livre de Ruwen Ogien 'Mes mille et une nuits'

Je me permets de vous faire parvenir quelques réflexions à propos de la présentation du nouveau livre de Ruwen Ogien Mes mille et une nuits. Je suis une ancienne malade du cancer et auteur des livres La maladie guérit – de la pensée créatrice à la communication avec soi (Quintessence 2014) et Traverser le miroir – de la peur du cancer à la confiance en la vie (L’Harmattan 2016). En lisant mes titres, vous vous doutez bien que je me trouve à l’opposé des idées énoncées par votre invité. Je fais partie de ces personnes qui ont cheminé avec leur maladie, qui se sont laissé toucher par elle et qui l’ont pris comme une occasion de grandir. Comme votre invité, je ne perçois pas la maladie comme une punition, comme lui je m’abstiens de glorifier la souffrance et comme lui je pense que le fait de ne pas trop se prendre au sérieux nous soulage de bien de maux. Mais contrairement à monsieur Ogien je pense que nous pouvons nous servir de ce qui nous arrive pour envoyer un peu de lumière dedans.

Je ne comprends pas qu’un philosophe puisse se priver de toute métaphysique et abandonner la quête de sens pourtant propre à l’être humain depuis qu’il s’est mis debout. Pour évoluer, nous avons toujours eu besoin de bouleversements, de frottements, de conflits et aussi de maladies. Oublier cela quand on est dans la détresse se comprend, mais diffuser ces opinions face à une société qui souffre profondément  d’une perte de sens à tous les niveaux me semble contestable. Selon mon expérience, la maladie n’est ni bien ni mauvaise ; elle existe, c’est tout. A nous de lui donner un sens ou pas. J’ai choisi de prendre le symptôme comme un message, un mal-a-dit exprimé par mon corps pour m’informer que quelque chose ne tournait pas rond dans ma vie. Je me suis alors mise en quête. Cela m’a permis de me libérer de mon rôle de victime et de prendre la responsabilité pour ma santé et ma vie en main. Responsabilité ne signifie pas culpabilité. Cette dernière se réfère à quelque chose du passé que je ne peux plus changer tandis que la responsabilité se vit en rapport avec mon présent. Si je n’ai pas le pouvoir de changer les données, il me reste à choisir ma position et à vivre ce qui m’arrive comme une tragédie ou une comédie.

Je vois dans les propos de monsieur Ogien se refléter l’énorme souffrance de notre société actuelle: la primauté du matériel sur le spirituel, la perception de l’humain comme une machine, une simple ressource qui devient superflue au moment où elle ne fonctionne plus correctement, l’être accaparé par la peur de l’égo de perdre son pouvoir de séduction, …  Pleins de méfiance, nous vivons coupés les uns des autres, séparés par toutes sortes d’écrans, chacun installé plus ou moins confortablement dans sa bulle. Nous avons perdu la capacité de communiquer directement et vivons chacun selon ses propres règles. C’est exactement ce qui se passe dans un corps qui développe une tu-meur(s) : des cellules qui ont perdu leur capacité de communiquer avec leur environnement avant d’exploser et de se répandre sans orientation dans tous les sens. La maladie, au lieu d’être une fatalité, ne serait-elle pas juste le reflet de notre comportement ? A nous d’explorer l’être qui s’est enfermé dans sa bulle et d’entrer en action autrement si nous voulons changer les choses.

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