Nous
n’avons jamais autant parlé de la communication qu’aujourd’hui et jamais
les moyens techniques pour communiquer n’ont été aussi développés. A chaque
seconde, d’innombrables messages font le tour du globe. Nous passons une grande
partie de notre vie en compagnie d’appareils qui facilitent la communication -
et pourtant : nous ne nous sommes jamais sentis aussi seuls et isolés
qu’aujourd’hui. Il semble que chacun de nous vit comme dans une bulle où
plusieurs écrans sont à sa disposition. Les yeux rivés dessus, nous envoyons
des milliers de messages à des centaines de personnes qui commencent à
ressembler de plus en plus à des SOS désespérés : regardez-moi,
écoutez-moi, aimez-moi !
Pendant
ce temps, nous nous trouvons entourés de personnes réelles, mais nous ne les
voyons pas. L’autre jour, j’observais deux jeunes filles sur un banc, chacune
tapotait sur le clavier de son iPhone. Pendant qu’elles étaient assises l’une à
côté de l’autre, elles étaient en train de s’envoyer des messages. Les
informations qui auraient pu être échangées sans intermédiaire devenaient
virtuelles et perdaient ainsi leur valeur initiale et humaine. En codifiant les
messages que nous envoyons, nous coupons le contact direct avec l’autre :
le regard passe par un écran, le son d’une voix par des ondes
électromagnétiques. Bientôt, nous aurons accès à la virtualisation de nos autres
sens. Le monde numérique prend le dessus sur le monde physique. Tout cela nous
apporte de nombreux avantages – mais à quel prix ?
La
qualité de cette technique se révèle à travers celui qui l’utilise. Quelle est
notre motivation quand nous nous servons de tous ces outils censés améliorer
notre visibilité et faciliter l’échange avec l’autre? Servent-ils à nous
rapprocher des autres ou sont-ils un véhicule pour exhiber les
manifestations impulsives de notre égo désespéré ? L’outil est à la
hauteur des intentions de son usager. Il est certain que nous ne communiquons
pas mieux grâce aux outils les plus sophistiqués si nous n’avons pas appris à
échanger avec notre entourage en tant que personnes en chair et en os et en
nous servant de tous nos sens.
La
communication virtuelle nous fait oublier surtout une chose : la base
d’une communication réussie est l’écoute. Il est devenu rare de rencontrer des
personnes qui savent écouter. Le plus souvent, les paroles de l’autre nous
servent de tremplin pour rebondir sur nos propres avis. Mal écouter l’autre est
mal s'écouter soi-même – car l’autre est le miroir de ce que je sais ou ne sais
pas faire vis-à-vis de moi-même. Puisque pour beaucoup communiquer signifie
surtout parler, nous avons oublié d’écouter. Nous avons hâte de produire et
d’émettre des messages et laissons peu d’espace au silence.
Beaucoup
de nous se retirent dans un monde artificiel et en nous isolant dans nos bulles
et derrière nos écrans nous nous empêchons de vivre en contact direct avec le
monde qui nous entoure. Nous développons le fonctionnement qui nous convient,
chacun pour soi. Dans beaucoup de familles, les repas pris en commun se font
rares, à chacun sa barquette chauffée au microondes. De moins en moins de
discussions autour de la table de la cuisine qui, dans beaucoup de ménages
n’existe même plus. A côté du fait qu’une mauvaise alimentation est mauvaise
pour la santé, notre comportement social rappelle ce qui se passe dans un
organisme qui crée une tumeur : des cellules s’isolent du reste, forment
des bulles et se développent selon leurs propres règles. Elles ne savent plus
communiquer avec leur entourage direct, l’échange d’informations est
interrompu, les messages ne passent plus entre les cellules saines et les
cellules malades.
Le
cancer, cette grande maladie dite « de civilisation », n’est-il pas
le symptôme non seulement d’un trouble à l’intérieur de notre corps, mais aussi
dans toute notre société ? Beaucoup est fait pour remédier à cette maladie
mais malgré des dizaines d’années de recherches et le fait que déjà dans les
années 70 on commençait à déclarer la fin du cancer, le nombre des personnes
atteintes ne cesse d’augmenter. L’explosion des nouveaux cas de cancer n’est
pas due au vieillissement de la population car les patients sont de plus en
plus jeunes. Jamais autant d’enfants n’ont été malades d’un cancer. Jusqu’à
maintenant, la médecine nous soigne, mais ne nous guérit pas. De plus en plus
d’études scientifiques mettent sérieusement en question les protocoles établis
mais jusqu’à maintenant incontestés.
Et
si nous étions sur un mauvais chemin ? Si la solution se trouvait
ailleurs ? Si notre comportement était bien plus impliqué que nous le
croyions, tant dans le développement de la maladie que dans sa guérison ?
De toute façon, qu’avons-nous à perdre en levant les yeux de nos écrans et à
regarder autour de nous : la personne assise à côté de nous dans le métro
ou dans la salle d’attente, l’oiseau qui chante dans l’arbre devant notre
fenêtre, le parfum d’une personne qui passe, le contact avec la surface sur
laquelle nous nous trouvons… En ce qui me concerne, je vais aller me promener.
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