lundi 20 octobre 2014

Participation au colloque de la Psychosynthèse

Le week-end du 18 et 19 octobre, je participe à un colloque de thérapeutes et de praticiens de la Psychosynthèse. Le sujet est la volonté. Dans mon intervention je parle des limites de la volonté. Voici le texte:

En juillet 2012, j’apprends que j’ai un cancer du sein. C’est une semaine avant mon mariage. J’avais moi-même senti la boule – après avoir passé du lait de chaux, blanc,  dans ma maison. J’avais déjà un mauvais pressentiment. J’entends tumeur – tu meurs – et ma première réaction est Non, pas moi ! Pourquoi maintenant !? Je ne veux pas !!

Heureusement, on ne me laisse pas le temps de paniquer. Le jour même on me donne un rendez-vous avec mon chirurgien. Au moment où nos témoins de mariage arrivent, nous partons à l’hôpital. Ce clin d’œil du destin apporte déjà de la lumière dans une nouvelle plutôt sombre.




Je suis un protocole classique – chimiothérapie, intervention chirurgicale, radiothérapie – et, parallèlement,  me fais aider par des thérapies complémentaires (ostéopathie, massages selon la médecine chinoise, biokinergie,…). Après chaque séance de radiothérapie, j’ai un rendez-vous à distance avec un magnétiseur. Je suis assise chez moi, toujours à la même heure, et j’imagine en même temps que lui comment le feu des rayons s’arrête. A la fin de mon traitement, je ne suis pas brûlée.
Les traitements traditionnels me donnent plutôt l’impression d’être impuissante. Je me sens comme un objet car ce sont les autres qui font quelque chose avec moi. J’espère qu’ils connaissent bien leur métier, qu’ils savent ce qu’ils font et qu’ils le font pour mon bien. Ce sont eux qui ont le savoir et le pouvoir.

Je décide de faire confiance et subis tant bien que mal ce que l’on me propose. Tout ce que j’ai à faire est de l’accepter. Accepter sa maladie, accueillir ce qui est, est déjà beaucoup. C’est le premier pas. Il n’est pas des moindres car nous avons plutôt tendance à vouloir repousser ce qui nous fait mal.  Or, d’après moi, ne pas regarder le mal, ne pas regarder ce qui nous fait peur, ne ferait qu’agrandir le mal car nous attirons toujours vers nous ce que nous craignons et ce que nous voulons à tout prix éviter. 

Accueillir en soi des agents chimiques qui risquent de faire autant de mal que de bien ou se faire irradier délibérément n’est pas une mince affaire. Je l’accepte difficilement - mais est-ce tout ce que je peux faire ? Et comment je vais vivre après ? Que faire de cette peur qui, désormais, m’accompagnera pour le restant de mes jours ?

C’est à ce moment que je décide d’avoir recours aux thérapies complémentaires. Ce sont elles qui m’ont aidé à changer mon regard. Je me sens moins impuissante. Plus encore que les traitements traditionnels, ils se bâtissent sur ma participation. Si je ne suis pas ouverte et confiante ils me feront moins d’effet. Je deviens partenaire, co-responsable de ma santé.

Responsable de guérir – pas coupable d’être tombée malade ! J’entends souvent dire qu’il ne faut pas en plus culpabiliser les malades, par contre pour moi, le plus important, c’est justement là ou commence la guérison : en acceptant sa propre responsabilité pour sa santé, sa vie. C’est là où se trouve la différence entre le patient et la personne.

A la clinique, j’entends souvent dire chaque personne est différente. On ne peut pas me garantir la guérison, on a seulement l’expérience des statistiques. Hippocrate, toujours considéré comme le père de notre médecine, disait que toute guérison ne vient pas de l’extérieur mais de l’intérieur. Albert Schweitzer parlait du médecin à l’intérieur de nous. Si la guérison vient alors, au fond, de l’intérieur de moi, la seule personne qui puisse y accéder est moi.

C’est ici que se pose la question de la volonté.

Je veux guérir. Je veux survivre ce cancer. Je veux m’en sortir. La volonté me pousse à me mettre en route. Elle est peut-être comme le geste de la clé que l’on tourne pour mettre en marche le moteur. Mais elle est plutôt comme l’étincelle qui déclenche le processus de combustion, elle n’est pas le carburant. 

Il ne suffit pas de vouloir rester en bonne santé ou de vouloir guérir d’une maladie. Les lits des stations de soins palliatifs sont pleins de personnes qui veulent vivre, vraiment ! Je peux entretenir pendant des années ou toute une vie un vœu sans que rien ne se passe. Je n’arrête jamais de fumer, ne rencontre jamais l’âme sœur et ne vis jamais cette vie heureuse que je souhaite tant.

La question est donc : Qu’est-ce qui déclenche le changement ? Car c’est cela à quoi nous invite la maladie. Léon Renard, psychothérapeute belge, dit que c’est notre résistance au changement qui nous tue. Quelle est la force qui nous permet de changer d’attitude, de regard ? Qu’est ce qui nous pousse à l’action ?

Mon métier est la formation. J’enseigne les langues étrangères. Je dis souvent à mes étudiants de faire comme s’ils étaient des Allemands ou des Espagnols, de se mettre à leur place.  Faire comme si. Ne pas se demander est-ce que je suis capable de parler ? Ne vais-je pas faire trop de fautes ? Est-ce qu’on va comprendre ce que je veux dire ? Ne suis-je pas ridicule ? …

Nous apprenons en faisant les choses. On apprend à nager en nageant, à jouer d’un instrument en s’entraînant et à parler une langue en la parlant. Est-ce qu’on peut aussi apprendre à être en bonne santé en étant en bonne  santé ? Qu’est-ce que j’ai à perdre en l’essayant ?

Dans ce processus, la volonté seule ne suffit pas. La linguiste en moi se penche alors sur la question : le verbe vouloir est ce qu’on appelle un verbe de modalité. Il désigne un mode, une façon de faire. Selon la grammaire, le verbe vouloir ne peut pas aller seul. Il a besoin  d’un complément, d’un autre verbe. C’est cet autre verbe qui désigne l’action. Je veux sortir, je veux manger, je veux dormir n’est pas la même chose que je sors, je mange, je dors. Vouloir n’est qu’un auxiliaire qui indique la direction.

Le passage à l’acte nécessite une décision.  Entre vouloir une chose et décider une chose, entre je veux et je fais se trouve tout un monde. Voltaire disait J’ai décidé d’être heureux. Une décision est comme un interrupteur que l’on met sur on ou off. Oui ou non. Le courant passe ou ne passe pas. Pour moi, cela change tout.

Il y a des années, quand j’ai encore fumé, j’ai arrêté parce que j’ai pris la décision d’arrêter. Je voulais arrêter depuis des années, mais je ne changeais jamais mes habitudes. C’est au moment où je l’ai décidé que je l’ai fait. J’ai décidé d’être libre de cette fumée. Point. J’ai dit oui à une chose et non à une autre. Même si, au début, je faisais comme si. Comme si je ne fumais pas. Après quelques semaines, le comme si devient une nouvelle habitude.

Quand j’ai appris que j’avais un cancer, je me suis souvenue de cette expérience. Depuis l’annonce de ma maladie, je voulais guérir, je voulais survivre ce cancer. Mais je connaissais aussi les limites de ma volonté. Je savais que cela ne suffisait pas pour m’en sortir. Alors j’ai décidé de guérir. De faire comme si j’étais guérie. Je suis guérie. Même si après un cancer du sein il faut statistiquement  27 ans avant de pouvoir se prononcer avec certitude. Même si demain peut-être j’en mourrai. Aujourd’hui, je suis guérie – et c’est tout ce qui compte. Ma réalité est l’instant présent.

Je ne parviens pas toujours à penser comme ça, loin de là. Mais je suis en chemin.
J’ai trouvé pour moi quelques outils pour apprendre à être plus attentive à l’instant présent. L’un des plus important est la méditation. J’ai commencé à la pratiquer pendant ma radiothérapie lors de mes rendez-vous à distance avec mon magnétiseur. La méditation telle que je la pratique a pour outil principal la respiration. Inspirer – expirer, accueillir – lâcher, prendre – donner.

A travers cette expérience, j’ai connu une association qui s’appelle Tonglen. Cette association accompagne des personnes en souffrance : dans le milieu hospitalier et carcéral, des maisons de retraite, mais aussi des entreprises. Partout là où il y a de la souffrance. Tonglen - en tibétain cela veut dire prendre et donner. Nous apprenons à garder l’équilibre entre les extrêmes.

Lors de nos formations, nous nous servons beaucoup de l’outil de la méditation et faisant régulièrement des pauses qui durent quelques minutes pour nous poser, pour rentrer en contact avec nous, notre ressenti du moment et prendre contact avec le moment présent.

Je me sers aussi beaucoup de la visualisation et de l’autosuggestion. Quand j’étais encore à Hambourg, j’ai participé à une formation en entrainement autogénique selon Schulz, une méthode de relaxation très répandue en Allemagne. Je me rappelle de la petite histoire que notre formateur nous a raconté au début pour illustrer le travail que nous allions entamer :

Dans une gare de marchandise, le soir, l’employé chargé de vérifier l’état des choses, entre dans un camion frigorifique. Par malheur, la porte se ferme et il reste coincé à l’intérieur. Il sait qu’il est le dernier à la gare et que personne ne va le découvrir avant le lendemain matin. Il sait qu’il est enfermé dans un frigo géant. Il sait qu’il va mourir… Le lendemain matin, ses collègues le découvrent, mort. Ils découvriront aussi que le camion frigorifique n’était pas branché. C’est-à-dire qu’il faisait une température ambiante, pas froide. L’employé n’est donc pas mort de froid, mais de l’idée de mourir de froid !

Notre imagination a une forte influence sur notre façon de percevoir notre réalité. Nous le sentons au moment où nous évoquons, par exemple,  l’idée de mordre dans une tranche de citron. Immédiatement, nous commençons à saliver car notre cerveau prend l’idée pour la réalité. 

Notre cerveau ne fait pas de différence entre le réel et le virtuel, entre une chose et l’idée d’une chose. C’est ici que le faire comme si prend finalement toute son ampleur. J’imagine mon corps en harmonie et en équilibre, car c’est cela un corps en bonne santé.

Je passe des informations à mon corps. Je communique avec mon corps. Les messages que je lui envoie sont très simples, come si je parlais à un enfant. Dans ces messages, il n’y a pas de « je veux ». Je veux être en harmonie, en bonne santé …. Il y a uniquement le « je suis ». Il n’y a pas de négation non plus, car notre cerveau, à ce niveau, ne sait pas reconnaître une négation. Je ne suis plus malade équivaut à Je suis malade.

J’imagine alors mon corps, mes organes, tout mon organisme, mes cellules, ma tumeur – et j’imagine comme elles sont nourries de lumière, baignés dans la lumière. La lumière guérit. Ainsi, tout devient fluide. Tout communique.

C’est ainsi que la communication, mon métier, déploie toute sa signification pour moi. Mon corps communique. Il exprime ce qui s’est imprimé en lui. Il communique avec moi à sa façon. Le mal-a-dit. Et moi, à mon tour, je communique avec lui. Paul Watzlawik disait qu’il nous est impossible de ne pas communiquer. Nous communiquons avec le monde extérieur, mais aussi avec notre « monde intérieur ». Pour moi, le cancer n’est pas fondamentalement hostile mais un problème de communication.

De là est né mon livre. La maladie guérit – de la pensée créatrice au dialogue avec soi. Il raconte mon parcours et mon attitude face au cancer. Ce cancer que notre société déclare comme un des ennemis publics numéro 1. Des tumeurs malignes qui attaquent notre organisme et que nous devons combattre. Nous sommes en guerre contre cette maladie et montons de l’artillerie lourde pour lutter contre.

Nous oublions que ce sont nos corps qui créent les tumeurs. Ca se passe à l’intérieur de nous et c’est forcément en rapport avec nous et notre façon de vivre. Le livre parle de l’accueil de maladie, de la responsabilité que nous avons envers notre corps. Ce corps qui exprime ce qui s’est imprimé en lui et qui communique avec nous à sa manière.

Ce livre parle de notre potentiel d’auto-guérison et de notre pouvoir créateur.  Il parle plus du pouvoir que du vouloir et beaucoup de l’importance du lâcher, de l’abandon à la vie et de la confiance. Car le propre de la vie est de toujours aller vers l’équilibre et la lumière. C’est surtout cette confiance que j’ai envie de transmettre.






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