dimanche 28 août 2016

Une approche pacifique du cancer

Selon les statistiques, une femme sur huit peut développer un cancer du sein au cours de sa vie. Dans les prochaines années, le cancer peut affecter jusqu'à la moitié de la population. Après les maladies cardiovasculaires, il est la deuxième cause de mortalité dans nos pays industrialisés, juste avant les décès causés par les traitements médicaux eux-mêmes. Après avoir reçu le diagnostic d’un cancer du sein en 2012, j’ai suivi un protocole classique. Le vocabulaire communément utilisé reflète l’agressivité des traitements. Nous luttons contre des tumeurs malignes et nous battons contre des cellules que notre organisme crée pour nous tuer. C’est le comble de l'horreur : l'ennemi ne nous attaque pas de l'extérieur, il est déjà dedans et nous menace depuis l’intérieur. Nous ne sommes plus en sécurité nul part. Tous sont exposés à ce danger. Le pire : nous ne sentons pas venir ce mal qui nous envahie sournoisement. Mais des solutions existent : des appareils sophistiquées sont capables de détecter les problèmes même avant que nous prenions connaissance de leur existence. Cette procédure est appelée prévention. En réalité, il ne s’agit pas d’éviter une maladie mais de la traiter le plus tôt – et le plus longtemps possible. On brûle, empoisonne et ampute. La violence de ces méthodes nous rappelle étrangement que les traitements contre le cancer n’ont pas vu le jour dans un laboratoire, mais sur les champs de bataille des deux dernières guerres. Tout est détruit. On espère que seulement les bonnes cellules survivront. Chaque personne est différente –j’entends souvent cette phrase à l’hôpital pendant que je subis des traitements conçus pour des millions de personnes. Leur toxicité détruit peu à peu ce dont le malade a le plus besoin : le bon fonctionnement de son système immunitaire. L’objectif est d’interrompre ou au moins de ralentir l’invasion de l’ennemi. On ne parle pas de guérison mais de rémission. Personne ne peut rien nous promettre, il n’y a aucune garantie. Tous les espoirs reposent sur les statistiques. Les chiffres sont le fondement de notre médecine. Nous avons foi en elles parce que nous croyons en leur objectivité - mais ils ne reflètent qu'une partie de la réalité et dépendent de l'objectif de qui les interprète.

J’ai terminé et survécu les traitements – mais en cours de route j’ai changé de vision. J’enseigne les langues et la communication et connais l’importance des mots. J’ai commencé par changer mon vocabulaire en parlant de ma tumeur. Puisque c’était mon corps qui l’avait créé, elle était bien en relation avec moi. En la nommant ainsi, elle était déjà moins monstrueuse car ce que nous craignons le plus reste toujours caché dans l’obscurité. Je pouvais alors m’entretenir avec ma maladie, écouter le mal-a-dit et essayer de comprendre l’information. Les cellules malignes étaient des cellules malades qui avaient perdu la capacité de communiquer avec leur entourage. Elles s’étaient isolées du reste de l’organisme. Il me paraissait logique que pour guérir, mon corps avait besoin de soin et d’amour. J’ai alors cessé de me battre contre cette partie de moi qui s’appelait tu meurs pour l’intégrer dans ma vie. 

Contrairement à la médecine des pays industrialisés qui sectionne l’organisme pour intervenir sur les parties devenues dysfonctionnelles, les médecines naturelles aident l’organisme à développer ses forces naturelles d’auto-guérison. Selon ces approches, notre santé dépend de la qualité de l'énergie qui circule dans l’organisme. Quand cette énergie circule librement, le corps est en équilibre et alors en bonne santé. Cet équilibre concerne l’ensemble, et non pas seulement une de ses parties. Dans l’ère après Newton et Pasteur, nous savons que les choses dans notre univers n’existent pas les unes séparées des autres mais forment un tout. Quand il y a un problème, nous ne pouvons pas le résoudre en le coupant du reste. Les solutions se trouvent dans l’équilibre de l’ensemble. 

Selon Carl Gustav Jung, nous ne guérissons pas nos maladies, ce sont nos maladies qui nous guérissent. Elles nous montrent que nous avons négligé un aspect important de notre vie. C’est alors le corps qui communique à sa façon qu’il est temps de nous occuper de nous. La maladie est un message, et non pas une punition. Nous ne sommes pas coupables du fait qu’elle soit arrivée mais responsable de l’attitude que nous prenons face à elle. Ma tumeur m’a montré où regarder : le sein, ce symbole de la féminité et du donner-recevoir m’indiquait ce que je n’avais pas vu jusqu’alors. J’ai commencé à mettre en lumière ce qui était caché depuis longtemps et à prendre réellement place dans ma vie. J’ai compris que ce cancer, même s’il pouvait me tuer, n’était pas venu en ennemi et qu’au fond il n’était pas un cri de la mort mais un appel à la vie ! Les cellules cancéreuses n’obéissent pas à ce que l’on appelle apoptose, le programme d’autodestruction des cellules saines. Le fait qu’elles soient en quelque sorte immortelles, ne reflète-t-il pas le désir de vivre plus, de manière plus authentique et plus harmonieuse ? Le désir inaccompli d’une vie plus en communion avec notre entourage et en équilibre avec l’ensemble ? Ce cancer ne nous indique-t-il pas que nous nous sommes égarés, isolés derrière nos écrans comme nos cellules malades et qu’il est temps de donner un autre sens, une autre orientation à notre vie, et ce non seulement à un niveau individuel mais aussi collectif? 

Nous ne pouvons pas nous séparer de l’ensemble. Ce n’est pas seulement notre façon de vivre notre vie qui nous rend malade. C’est aussi le monde que nous avons créé ensemble. Comment pourrions-nous croire qu’un système dont le tout premier but est la croissance économique puisse agir pour le bien commun ? Nous parlons de pouvoir d’achat, de ressources humaines et de capital santé – mais plus des valeurs fondamentales de notre république. Nous bafouons ce que nous avons de plus précieux. Nos corps malades nous le rappellent – et nous donnent ainsi l’opportunité de changer de cap pour vivre de manière plus respectueuse dans l’ensemble que nous formons. Peut-être nous ne guérirons pas du cancer et peut-être nos enfants subiront encore plus les conséquences d’un système devenu malade – mais cela ne nous empêchera pas de commencer à nourrir ce que nous avons de mieux en nous aujourd’hui.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.