dimanche 22 février 2015

Accepter les liens avec sa famille

Nous portons en nous non seulement l’empreinte génétique de nos parents mais aussi la mémoire familiale de plusieurs générations. Au cours du temps, rien ne s’est effacé. Nos tissus et nos cellules sont imprégnés par le vécu de ceux qui nous ont précédés. Anne Ancelin Schützenberger, auteur du livre  Aïe mes aïeux, démontre comment nous sommes étroitement liés à notre famille : un problème qu’une génération n’arrive pas à résoudre sera transmis aux générations suivantes où il pourra se manifester sous forme de maladies, accidents ou autres troubles. Le travail du psychothérapeute allemand Bert Hellinger va dans le même sens : sans nous en rendre compte, nous avons tendance à porter ce qui a fait souffrir nos ancêtres et continuons à vivre ce qui leur était destiné - jusqu’à ce que nous en prenions conscience. Tout ce qui existe aspire à être vu et reconnu avant de pouvoir disparaître. C’est dans ce même sens que Jung disait que tout ce que nous ne voulons pas voir nous revient sous forme de destin.

Je ne veux pas entrer ici dans le travail de ces grands psychologues mais m’appuyer sur leurs observations pour réfléchir sur un sujet qui me semble essentiel pour notre santé autant psychique que physique : la libération de nos attachements familiaux. Il ne s’agit pas de couper nos liens d’amour mais de dépasser de ce qui nous empêche de nous épanouir dans notre vie. Souvent, nous ne savons pas à quel point nous sommes liés à notre famille d’origine. Peut-être nous en sommes nous séparés et n’avons plus de contact avec nos parents, nos frères et nos soeurs – mais cela ne veut pas dire pour autant que nous nous sommes défaits de tous ce qui nous rattache à eux. Je pense que c’est une illusion de croire que nous puisions nous couper de nos liens familiaux. Nous continuons à voyager dans le même train, même si nous avons changé de compartiment depuis longtemps. Ce qui nous relie, au fond, continue à agir sans que nous nous en rendions compte.


La question ne sera alors pas comment je défais les liens avec une mère malveillante ou un père violent, mais comment j’apprends à les accepter comme ils sont, avec leurs bons et leurs mauvais côtés. Dans une famille, chacun a sa place, même le pire scélérat, le violeur, l’assassin et la mère qui a abandonné ses enfants. Cela ne veut pourtant pas dire qu’il faut accepter tout ce qu’ils ont fait ! Peut-être même n’arrivons-nous pas à leur pardonner. Mais pour entrer dans une relation plus juste avec ce qui fait partie de notre histoire, et donc de nous-mêmes, il est important d’admettre les choses telles qu’elles sont, sans les condamner ni les enjoliver. 

Il n’est pas facile de ne pas idéaliser ses parents. Nous rêvons tous d’une mère douce et bienveillante et d’un père attentif et juste, et nous cherchons la complicité de nos frères et sœurs. Si nous ne l’avons pas vécu ainsi,  cela ne veut pas dire que nous avons de mauvais parents. Ils sont ce qu’ils sont et font au mieux dans le cadre de leurs possibilités, limités eux aussi par ce qu’ils ont vécu avec leurs propres parents. Chacun fait ce qu’il peut. Ce qui envenime et rend douloureuses les relations que nous avons avec notre famille sont nos propres attentes. Si elles sont déçues, nous avons tendance à les juger de ne pas avoir su répondre à nos besoins. Ce que nous avons à apprendre est de rectifier l’idée que nous nous faisons de notre famille : mes grands-parents n’étaient pas des bienfaiteurs de l’humanité, ma mère n’est pas une sainte, mon père n’est pas un héro et mes frères et sœurs ne sont pas mes amis. Si je me sens déçu par eux, cela veut dire que je ne sais pas encore les voir et accepter comme ils sont. Je sais alors ce que j’ai à faire : les descendre du socle que je leur ai bâti ou les ramener à la surface pour les poser là où ils ont leur place : sur cette terre. C’est ce que l’on appelle devenir adulte.

C’est ainsi que nous pouvons choisir à nouveau notre famille, en toute conscience. Dans mon imagination, j’apprends à m’incliner devant eux et à les remercier pour la vie qui m’a été transmise à travers eux: Je te vois et je t’accepte comme tu es, toi qui fais partie de moi et de ma vie. Par respect pour toi, je te laisse vivre ce qui t’est destiné. Je suis libre de vivre ma vie et je te prie de me regarder avec bienveillance. Ils m’ont donné la vie, mais je n’ai pas à porter ce qui est à eux. Chacun a son destin, chacun ses peines et ses joies qui n’appartiennent qu’à lui. Personne d’autre ne peut les prendre en charge. Je ne peux pas rattraper ce qui fait souffrir l’un ou l’autre ou racheter un acte injuste. Tout ce que j’ai à faire est de vivre ma vie. Rendre à l’autre ce qui est à lui, même si c’est lourd à porter, est avant tout un acte de respect.


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